Président du Parlement européen
Le Président COX a tenu à ouvrir le débat en évoquant le Conseil européen et la CIG dans la perspective du Parlement européen.
En ce qui concerne le Conseil européen, beaucoup de travail a été condensé sur une courte période. Lorsque la question des relations transatlantiques a été abordée, le Président COX, tout en insistant sur leur importance, a rappelé que la situation des prisonniers de Guantanamo ne doit pas être occultée. La mise en oeuvre du Protocole de Kyoto doit passer par un approfondissement des contacts avec la Russie.
Les grandes questions autour de la CIG seront discutées au cours du débat à suivre mais M. COX a insisté sur deux préoccupations particulières du Parlement européen. La première concerne le financement de l'UE et les procédures budgétaires. Le PE veut garder l'équilibre atteint par la Convention et rejette l'intervention du Conseil ECOFIN. Ce dernier a attaqué les conclusions de la Convention et les dispositions budgétaires de 1975. Cela représente un pas en arrière du point de vue institutionnel. Dans ces conditions, le Parlement veut savoir ce qu'il en serait de l'accord interinstitutionnel signé en 1986. De plus, il est injuste d'accuser le Parlement d'être peu soucieux des deniers communautaires quand son budget a nettement moins augmenté que celui du Conseil.
En second lieu, le Président COX invite la CIG à faire en sorte que le Parlement ne fasse pas les frais des marchandages de dernières minutes. Il dispose désormais d'importantes compétences législatives qu'il exécute sérieusement.
Quant au résultat de la réunion de la CIG de ce week-end, cet échec est, certes, un pas en arrière mais pas une catastrophe. Un accord est toujours nécessaire. De grands protagonistes sont arrivés à Bruxelles sans vouloir trouver un accord. M. COX rappelle qu'un esprit de compromis doit exister dans le chef de tous les protagonistes. Ce message doit être transmis à la Présidence irlandaise.
Pou conclure, le Président COX a déclaré que le Parlement européen doit se féliciter des bonnes relations de travail qui ont prévalu entre la Présidence italienne et les commissions parlementaires au cours du semestre.
Conseil
M. Silvio BERLUSCONI rappelle qu'en entamant son semestre de Présidence, l'engagement de l'Italie pour la CIG était d'obtenir un accord sur un document de bonne tenue, sans compromis à la baisse. Ce document devait permettre à l'Union de demain de fonctionner et de jouer son rôle sur la scène internationale. L'Union élargie devait également pouvoir se doter d'une Constitution sur la base du projet de la Convention avant les élections de juin 2004. Les 60 jours de CIG n'ont pas pu garantir ce résultat. Il faut en prendre note sans dramatiser, ni s'adresser de reproches réciproques et avoir une vision claire des démarches qu'il convient encore d'entreprendre.
Lors de l'ouverture formelle de la CIG, la Présidence a rappelé les principes qu'elle entendait suivre dans la Déclaration de Rome. Ces principes étaient le maintien de la plus grande cohésion possible et du projet de Convention dans le respect des exigences légitimes des Etats. La méthode de travail a été transparente et les représentants du PE ont été associés à cette CIG d'une façon plus satisfaisante que par le passé. Un maximum de publicité a été donné à tous les documents de travail. Au début des travaux, il y avait plus de 80 sujets de divergence. Presque tous ont été résolus, sans réduire les résultats de la Convention. Des solutions appropriées ont été trouvées pour la quasi-totalité de ces sujets. M. BERLUSCONI cite, à titre d'exemple, la défense. La coopération structurée a pu être définie lors de la CIG, mieux que cela n'avait été fait par la Convention, en tenant compte des réticences de certains Etats membres. Cet accord a été trouvé en harmonie avec les autres partenaires de l'OTAN.
Il restait à décider de la composition du Parlement européen, de la composition de la Commission, des votes à la majorité qualifiée et, surtout, des modalités de calcul de ces votes. Certains problèmes ont pu être résolus au cours des dernières heures de la CIG. Mais les chefs d'Etat et de gouvernement voulaient un accord global. Cet accord était à portée de main pour la composition de la Commission. En l'absence de rapprochement des positions sur les modalités du vote à la majorité qualifiée, il était préférable de mettre un terme à une discussion qui risquait de s'envenimer. Continuer les travaux n'aurait pas réglé les problèmes du fonctionnement efficace de l'UE.
M. BERLUSCONI affirme qu'il y a une forte volonté de la part des Chefs d'Etat et de gouvernement de ne pas perdre le patrimoine de négociation de ces derniers mois. Quelques 82 points ont fait l'objet d'un accord, il y a donc un acquis de la Conférence et ces chapitres ne doivent pas être rouverts. A partir de cet acquis, il sera possible de reprendre le travail constituant lancé par la Convention. Un accord était en vue, notamment dans la nuit de vendredi à samedi, mais les délégations ont fait marche arrière le lendemain, a déclaré M. BERLUSCONI. Il insiste également sur l'engagement commun de tous les participants en faveur d'une Constitution pour l'Europe afin qu'elle soit un géant politique.
M. BERLUSCONI a ensuite communiqué aux députés les principaux résultats du Conseil européen. Ce dernier a traité des questions concernant tous les citoyens européens. La bonne collaboration avec la Commission, ainsi que les débats positifs avec le Parlement européen a permis à un certain nombre de dossiers d'avancer au cours de ce semestre. Afin de relancer le développement, pour améliorer l'emploi et achever le marché intérieur, le Conseil européen a formellement adopté l'Initiative européenne pour la croissance. Elle doit promouvoir un programme d'investissements ambitieux pour les grands réseaux de transports, de télécommunications mais aussi en matière de recherche et d'innovation. Elle prévoit aussi l'amélioration des réseaux pour connecter le grand marché européen et relancer la croissance par un soutien financier approprié. L'initiative fait appel au financement privé par un système de garantie de la Banque européenne d'investissement. Cela représente la première grande opération de politique économique au niveau européen, dans le cadre de la Stratégie de Lisbonne. Le manque de voies de communications avec les nouveaux Etats membres de l'UE est très important. Il faut donc mettre à jour le programme des grands travaux. La liste arrêtée n'est pas exhaustive, précise M. BERLUSCONI, de nouveaux projets pourront être pris en compte.
Le Conseil européen a également abordé les questions d'emploi et de compétitivité, en insistant sur les réformes structurelles nécessaires, qui sont mises en oeuvre dans certains Etats membres. Les conclusions de la Task force sur l'emploi, dirigée par M. Wim KOK, ont été examinées par le Conseil. Ce travail constitue une bonne photographie de chaque pays et des mesures à prendre, selon M. BERLUSCONI. Ce dernier rappelle qu'il a assisté récemment à une rencontre entre des représentants des entreprises et des organisations syndicales. Il est ressorti des débats qu'il faut faire des efforts, en Europe, en matière de compétitivité et de flexibilité. Il estime que l'économie européenne est un géant économique entravé par beaucoup trop de règles. Elle est prise en tenaille entre l'économie américaine et les pays sans règles en matière d'emploi ou d'environnement. Il faut étudier l'impact des mesures européennes sur l'économie européenne afin de garantir sa compétitivité.
M. BERLUSCONI se félicite de l'accord sur les OPA, qui revêt une grande importance politique. Ce texte est une contribution à la définition d'un aspect important de l'achèvement du marché intérieur.
En matière de sécurité, M. BERLUSCONI rappelle sa volonté de rapprocher les institutions communautaires des préoccupations des citoyens. Le concept de frontières extérieures communes a été renforcé au cours du Conseil européen. La création d'une agence de gestion commune des frontières, opérationnelle à partir de janvier 2005, a été décidée, de même qu'un programme de mesures sur les mouvements migratoires par mer. Ces cas sont souvent dramatiques. M. BERLUSCONI attire l'attention du PE sur la rencontre avec les 5 pays riverains de la Méditerranée. Ce sont des pays de forte émigration. Ils ont accepté une coopération pour contrôler les départs de leurs côtes mais il faut une prise en charge des coûts qu'ils assument dans l'intérêt européen. Autre question évoquée le week-end dernier, l'accueil et l'intégration des immigrés légaux et de la protection internationale à accorder aux personnes qui la nécessitent. Malheureusement, des normes de procédures minimales et une définition des personnes nécessitant la protection internationale n'ont pas pu être atteints.
En ce qui concerne la lutte contre le terrorisme, un accord a été trouvé sur l'introduction des données biométriques sur les visas et sur les passeports communautaires. Un accord politique sur l'accord cadre de lutte contre les trafics de stupéfiants a également été trouvé.
M. BERLUSCONI insiste sur l'importance du dialogue entre les religions. Lors d'une conférence à Rome en octobre, il a été acquis que la religion est un instrument d'intégration des communautés immigrées en Europe. Elle permet de se rapprocher des autres peuples et du monde arabe notamment. Toute forme d'intolérance et d'intégrisme doit être combattue.
Ce dernier Conseil européen a vu la présentation de la Stratégie européenne en matière de sécurité, document qui analyse les menaces qui pèsent sur la sécurité européenne. Cette stratégie doit permettre l'amélioration des capacités d'intervention. Les progrès relevés dans les domaines de la PESD doivent également conduire à l'acquisition de plus de capacités. A cet égard a été décidée la création de l'Agence européenne pour développement des capacités militaires.
Parmi les décisions prises au cours du Conseil européen, M. BERLUSCONI se félicite de l'accord sur les sièges des 10 agences européennes. C'est un résultat dont la Présidence italienne est très fière. Il permettra un travail plus serein à l'avenir pour ces différentes agences.
Le Conseil européen de Bruxelles a précédé de quelques mois l'élargissement. Les pays de l'adhésion poursuivent la transposition de l'acquis communautaire. Le dernier document stratégique de la Commission a confirmé les progrès de la Bulgarie et de la Roumanie. Le Conseil européen a décidé d'une feuille de route avec des échéances précises conduisant à l'adhésion en 2007. Les progrès de la Turquie ont été reconnus dans les conclusions du Conseil européen, qui a fait des suggestions et a adressé ses encouragements à la Turquie pour les efforts particuliers effectués par Ankara.
Dans le domaine des relations extérieures de l'UE, le semestre de Présidence italienne a été marqué par le processus de stabilisation dans les Balkans. Il faut relever la détermination de l'UE pour l'avenir européen de ces pays. D'un autre côté, l'importance du partenariat euro-méditerranéen a été confirmée lors de la Conférence de Naples où a été formalisée la naissance de l'Assemblée euro-méditerranéenne. Les relations transatlantiques sont un élément fondamental et la déclaration du Conseil européen est d'une grande importance politique à cet égard. Il y est affirmé qu'un dialogue constant est fondamental pour relever les défis mondiaux, dans le cadre d'une communauté de valeurs. De même la valeur stratégique du partenariat avec Moscou a été rappelée.
M. BERLUSCONI tient à conclure ses propos par un message de confiance en ce qui concerne l'avenir de la Constitution européenne car tous les pays ont défendu des intérêts légitimes et personne n'a nié l'existence d'un intérêt commun européen dominant. Il faut maintenant approfondir les points de compromis et poursuivre les débats. Le Traité constitutionnel est un but qui sera atteint rapidement. Il remercie le Parlement européen pour sa participation aux travaux de la CIG et transmet à la Présidence irlandaise les documents qui marquent les points d'accords sur la future Constitution.
Commission
M. Romano PRODI déclare que lors de la session d'ouverture du semestre, le 2 juillet dernier, il a énuméré devant l'Assemblée les 13 propositions législatives que la Commission espérait voir arriver à maturité pour la fin de l'année. Il est heureux de constater que grâce aux efforts de la Présidence italienne, un accord a été trouvé sur cinq points importants de cette liste.
Il pense surtout à la directive sur la traçabilité des OGM et à l'accord cadre conclu avec l'agence spatiale européenne qui stimulera grandement le développement de notre politique spatiale. La création d'un ciel unique européen et les règles en matière de marchés publics sont d'autres réalisations importantes de ce semestre qui seront toutes deux adoptées formellement au début de l'année prochaine.
Enfin, un accord politique sur les offres publiques d'acquisition se précise désormais et il sera soumis à l'examen du Parlement au cours de la présente session.
Naturellement, le thème qui lui tient le plus à cœ;ur est l'Initiative européenne de croissance, que le Conseil a approuvée à l'unanimité.
Enfin, il applaudit à l'accord que le Conseil a trouvé sur les sept nouvelles agences européennes qui s'occuperont de la sécurité des transports aériens, ferroviaires et maritimes, de la sécurité alimentaire, de la pêche, de la chimie et du contrôle des maladies. L'accord atteint sur les agences est important pour deux raisons.
En premier lieu, parce qu'il développe un modèle de structures communautaires plus souple et plus efficace, un modèle qui rapprochera toujours plus l'Union des citoyens européens.
En second lieu, parce qu'il est le fruit d'une vision d'ensemble qui réussit à concilier les intérêts de chaque pays qui peuvent, s'ils ne sont pas harmonisés, retarder voire empêcher le progrès vers l'intérêt commun.
M. PRODI en arrive maintenant à l'autre grand sujet du Sommet de Bruxelles. Le fait que la Constitution de l'Union européenne n'a pas été adoptée est pour moi un motif de tristesse et de désillusion. Revenons deux ans en arrière, au Conseil européen de Laeken. Quelles étaient les motivations de ces conclusions historiques ? Il s'agissait de répondre à la nécessité, que tous reconnaissaient alors, de donner à l'Union un cadre institutionnel plus cohérent et plus structuré. A l'époque, les Etats membres s'étaient mis d'accord sur trois points fondamentaux :
- améliorer le fonctionnement de nos institutions tel qu'il était sorti de la fameuse nuit de Nice ;
- rationaliser la stratification législative et institutionnelle qui, au fil des décennies, avait fait perdre leur cohérence aux politiques et aux procédures de l'Union ;
- et enfin, rapprocher les citoyens de la construction européenne.
La grande nouveauté de Laeken a été la création de la Convention, qui est le projet institutionnel le plus ambitieux et le plus démocratique de notre histoire. La Convention a bien travaillé. En 18 mois, elle nous a présenté un projet de Constitution dont nous avons considéré qu'il constituait une bonne base de départ pour la Conférence intergouvernementale.
Comme toute base de départ, le projet de la Convention devait permettre de faire un pas en avant. Certains Etats membres l'ont au contraire utilisé pour faire un pas en arrière. M. PRODI en est désolé.
Les problèmes à résoudre sont toujours ceux exposés dans la déclaration de Laeken, le texte de base reste celui de la Convention. Le temps d'arrêt marqué à Bruxelles signifie que le Conseil, dans son ensemble, n'est pas parvenu à un consensus sur une proposition unique. Toutefois, l'acceptation collective de la responsabilité politique ne suffit pas.
Nous devrons maintenant expliquer aux citoyens comment il convient de mieux protéger leur avenir. Seuls ou ensemble ? Divisés ou unis ? La réponse est inéluctable, il suffit d'ouvrir les yeux.
M. PRODI continue à penser, en accord avec la déclaration de Laeken, que la solution sera apportée non par une série de veto, mais par une conjonction d'intérêts.
Le droit de veto n'est pas une expression de volonté démocratique et nos institutions elles-mêmes ne peuvent se soustraire aux règles du jeu démocratique.
Cependant, compte tenu de ces éléments, M. PRODI se déclare convaincu qu'avec plus de temps et en faisant preuve de patience, nous parviendrons à la bonne solution. C'est pourquoi il espère que les prochains Conseils européens reprendront la question de notre Constitution en adoptant un calendrier réaliste et une vision d'ensemble que nous avons peut-être perdue.
Quelques jours seulement après le Sommet de Bruxelles, il serait prématuré et peut-être présomptueux de proposer déjà une réponse parfaite. Mais nous devons certainement y réfléchir.
Certains pensent à une avant-garde d'Etats pionniers qui ouvriraient la voie à une coopération plus soudée, point de départ d'une Union plus forte et plus intégrée. De telles solutions s'inscrivent dans la tradition de l'intégration européenne et, si nous analysons notre histoire, c'est toujours dans les moments les plus complexes et les plus difficiles qu'elles surgissent. Aujourd'hui, nous vivons l'un de ces moments dramatiques. Cette réflexion doit donc être entamée avec courage.
M. PRODI termine son intervention par un appel pressant. Il demande aux députés de mettre leur intelligence politique, leur vision, et leur expérience au service de la première Constitution de l'Europe unie.
Il est conscient que nous sommes nombreux dans cette enceinte à voir dans l'Union européenne la seule bonne réponse aux défis de l'histoire et de la politique.
Il suffit de sortir de notre espace géographique : Vu de la Chine, de l'Inde ou des Amériques, notre continent n'est plus composé de différents pays. L'Europe est de plus en plus considérée dans son ensemble.
Il suffit de sortir de notre espace temporel : si l'on considère l'histoire, l'intégration de tout le continent est la seule possibilité qu'ont ces mêmes Etats nationaux de survivre. Seule l'Europe nous donnera la force de maintenir et de développer nos cultures, nos traditions régionales et locales dont nous sommes si fiers.
Si nous ne nous serrons pas tous autour de l'Union que nous avons commencé à construire depuis un demi-siècle, nous perdrons notre autonomie et notre influence dans le monde.
C'est l'Union qui les perdra, mais ce sont surtout les Etats membres et nos citoyens qui en seront privés.
Si nous n'adhérons pas à ce raisonnement, nous finirons inexorablement en marge de l'histoire.
Groupes politiques
Pour le groupe PPE/DE, déclare, M. Hans-Gert POETTERING (PPE-DE, D) le 13 décembre 2003 est un jour de grande déception. Mais il y a cependant une lumière au bout du tunnel, c'est pourquoi d'ailleurs le Prix Charlemagne a été décerné à M. COX, président du Parlement. La CIG n'est pas l'échec de la Constitution, cette constitution, nous la voulons, au contraire, le plus vite possible, sans quoi l'Europe n'aura aucun avenir. La Présidence italienne a permis de résoudre 82 problèmes. il faut éviter les insultes et ne pas chercher à désigner des coupables. Aucun gouvernement n'a raison et celui ou ceux qui voudraient manifester un comportement indépendant, risqueraient fort de s'exclure purement et simplement de l'Europe, que nous le voulions ou pas. Il faut défendre nos acquis et les consolider. Elargir c'est bien, mais cela ne suffit pas. Il faut aller de l'avant avec la Présidence irlandaise.
M. Enrique BARÓN CRESPO (PSE, E) s'adresse à M. BERLUSCONI en lui rappelant qu'il est amateur de football mais qu'en tant que tel il n'a pas joué la deuxième mi-temps. Ce qui déçoit le groupe PSE. Il faut reprendre l'esprit communautaire au lieu de chercher à définir des mécanismes de blocage. M. CRESPO déplore que son pays qui a longtemps été à la pointe de l'intégration européenne soit désormais à la traîne. 95 % du texte de la constitution sont acquis. Il donc régler les 5 % qui restent. Mais marchander n'est pas la solution. On n'y parviendra pas en accumulant des nuits de veille. Il faut autre chose. Le groupe PSE, quant à lui, est prêt à aller de l'avant et à poursuivre.
M. Graham WATSON (ELDR, UK) souligne qu'on espérait plus de l'Italie qui a réussi à ruiner le Pacte de stabilité, à mette l'Europe mal avec les Etats-Unis, le Canada et enfin à proposer un mauvais texte qui fait que, tandis que les Américains dénichaient Saddam Hussein, l'Europe s'enterrait à Bruxelles.
Cinq pays, au cours des travaux de la CIG ne voulaient manifestement pas aller de l'avant. Il faut se reprendre, il faut conclure sous la Présidence irlandaise. C'est une crise dangereuse. Par ailleurs, au cours des travaux de la Présidence italienne, on a parlé ni des droits des prisonniers à Guantanamo, ni des élections scandaleuses en Russie, ni de la situation en Chine. C'est une Présidence qui n'est pas très glorieuse et M. WATSON s'interroge : si on appelle ça un succès, qu'est-ce donc un échec ?
M. Francis WURTZ (GUE/NGL, F) rappelle que lorsque le texte de la Constitution a été présenté par M. Giscard d'ESTAING, il a vivement critiqué ce texte qui lui paraissait l'expression d'une théorie libérale. Le texte est aujourd'hui gelé. Mais il n'y a pas lieu d'en tirer gloire. D'abord parce que l'Europe libérale continue, ensuite parce que tous les problèmes posés restent sur la table. Enfin, parce qu'on a assisté au spectacle affligeant d'une lutte pour le pouvoir animée par un mot d'ordre stupide : "Nice ou la mort". On a fait n cadeau aux populistes et aux démagogues. Voilà le seul résultat. Par ailleurs, on a réveillé les vieilles lunes comme celles du noyau dur, ce qui pourrait aboutir à la tentation de réduire l'aide aux plus pauvres, ce qui est inacceptable.
Il faudrait un véritable projet européen au sein du Conseil et il n'y en a manifestement pas, sauf et encore très vaguement en matière de défense. Il faudrait au contraire un projet où les citoyens puissent réellement s'investir, un tel projet ne peut naître d'un conclave des Chefs d'Etats. Il doit venir des peuples eux-mêmes et de leurs représentants.
Mme Monica FRASSONI (Verts/ALE, B) indique que l'Europe apparaît moins forte et unie maintenant qu'il y a six mois. Sa crédibilité a été réduite. On a assisté à une série de comportements très scandaleux au sein du gouvernement italien, mais Mme FRASSONI demande aux italiens s'ils ont été véritablement convaincus de ses succès. Elle critique également les discussions bilatérales qui ont eu lieu au cours de la CIG, dont rien n'est ressorti et dont personne ne connaît véritablement la teneur. Le résultat est une marche arrière par rapport au Traité de Nice. Reste cependant le texte de la Convention. Les Etats européens n'ont pas été capables de trouver un consensus. Les Irlandais risquent de ne pas y parvenir non plus. Il faut une autre chose, il faut faire appel à l'aide des Parlements nationaux. Les gouvernements ne sont manifestement pas les patrons de l'Europe. Il faut éviter une telle attitude. Quant à l'idée de pays pionniers, est-ce que l'Italie en fera partie ? demande Mme FRASSONI. Il faudrait peut-être, si on n'obtient pas de résultat avant, relancer l'idée de la Constitution après les élections européennes.
Mme Cristiana MUSCARDINI (UEN, I) remercie la Présidence italienne en particulier de son attitude en ce qui concerne la crise irakienne. Elle souligne que le parcours d'une Europe forte passe par un nouveau comportement institutionnel et que l'Europe doit jouer un autre rôle. Il faut aussi lutter contre le terrorisme, il faut tenir compte de la libération des marchés et donc créer de nouvelles règles économiques et commerciales. Il faut aussi se tourner vers les pays qui présentent avec les nôtres des analogies culturelles. Elle demande à la Présidence italienne actuelle de soutenir la future Présidence irlandaise, en tenant à l'esprit qu'on ne veut ni d'un super état fédéral, ni d'un simple marché dans le cadre d'une zone de libre-échange.
M. William ABITBOL (EDD, F) estime que l'année 2003 est une "annus horribilis" pour l'Europe. Il n'y aura donc pas de Constitution mais qu'on se rassure, personne ne le regrettera à commencer par les citoyens européens qui d'ailleurs s'en moquent éperdument. Les gouvernements européens ont agi sagement, en partant du principe que l'Europe n'avait pas la maturité nécessaire pour se doter de cet attribut de souveraineté majeure. Il souhaite que l'on réfléchisse encore un siècle ou deux au problème de l'adhésion de la Turquie mais se félicite que les intérêts légitimes de chacun aient été défendus. On peut toutefois se consoler : "on n'a pas eu de Constitution mais on a eu l'Académie française".
Députés
M. Charles PASQUA (UEN, F) rappelle qu'il ne s'étonne plus de rien depuis qu'il siège au Parlement européen et qu'il ne s'étonne certes pas de l'échec de la Constitution qui n'aurait jamais dû être adoptée telle quelle sans faire l'objet d'amendements de la part des représentants des gouvernements concernés. Par contre, il est surpris par le comportement des fédéralistes européens qui jamais ne se remettent en cause, qui persistent et signent, qui veulent absolument chercher des coupables, qui veulent que des têtes tombent. Or, l'échec de la Constitution n'est pas celui de la Présidence italienne, ce n'est pas la faute des gouvernements, ce n'est pas la faute de tel ou tel, c'est tout simplement le fait que ce texte rocambolesque soit en contradiction totale avec les réalités européennes, celles que représentent les peuples et les nations. En fait, l'Espagne et le Portugal ont dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas et il faut les remercier chaudement de l'avoir fait avec vigueur. En réalité, le modèle de Yalta, celui de Jean Monnet, est un modèle parfaitement dépassé et il faut en revenir à des réalités, abandonner complètement et laisser reposer en paix ce modèle définitivement mort. Il faut construire une jeune Europe politique qui tienne compte de la modernité et de ses contraintes mais qui ne vise pas à l'uniformité.
Pour M. Georges BERTHU (NI, F), au-delà des apparences, trois facteurs ont déterminé l'échec de la CIG. Tout d'abord, il n'y avait pas de consensus sur le texte de la Convention. Ensuite, l'opposition de l'Espagne et de la Pologne sur le problème de la majorité qualifiée a été motivée par les divergences d'opinion d'un certain nombre d'autres pays sur ce sujet et il faut remercier l'Espagne et le Portugal d'avoir exprimé ses réalités. Enfin, ceux qui se sont désespérément accrochés, de manière intransigeante au texte de la Convention, ont eux-mêmes beaucoup contribué à rendre impossible un compromis. Ils essaient d'ailleurs, en grande partie de repousser le problème à une date ultérieure. Au bout du compte, ce sont les citoyens qui, sans même avoir été consultés ont bloqué le processus constitutionnel.
Mme Pervenche BERÈS (PSE, F) souligne que l'hyper puissance américaine est parvenue à diviser l'Europe au sujet de la question irakienne. Puis, alors qu'on procédait à l'arrestation de Saddam Hussein, elle a réussi à stopper le processus constitutionnel. Après avoir connu le Mur de l'Atlantique, nous avons connu celui de Berlin et de Jérusalem. Mais ce n'est pas ainsi que l'on construit la paix. Depuis 1986, il apparaît clairement qu'il y a un divorce entre la nature du projet européen et les institutions qui sont chargées de mener ce projet à terme. Il apparaît que les gouvernements n'ont ni la double légitimité des peuples et des Etats, ni même la simple capacité pour y parvenir. Quant à ceux qui se réjouissent de cet échec, et en particulier ceux qui veulent en profiter pour constituer un noyau dur, ils ne feront qu'accroître les divisions entre les Etats européens. Il faut au contraire valider ce qui peut être fait et tenter d'aller plus avant. Quant au mandat irlandais, il n'apparaît, en tout cas sous sa forme actuelle, pas à la hauteur.
M. Philippe MORILLON (PPE-DE, F) constate quel e résultat de la CIG est décevant mais que c'était un résultat prévisible. La CIG a échoué pour de futiles considérations de poids respectif, elle a démontré qu'aucun progrès n'est possible dans le cadre d'une conférence intergouvernementale car les Chefs d'Etat ne peuvent faire autrement que défendre bec et ongle les intérêts nationaux. Il faut donc faire autre chose et la solution est peut être à trouver dans le cadre des élections européennes. Cela leur donnerait un nouvel intérêt. M. MORILLON ne peut que constater que "l'Enfer est pavé de bonnes intentions". Il souhaite malgré tout que l'Europe s'engage sur la voie de la construction et de la réalisation de ses objectifs.
Conseil
En conclusion des débats, M. Silvio BERLUSCONI rappelle que depuis plusieurs semaines déjà, il était clair qu'à moins d'un miracle, il ne serait pas possible d'aboutir à un compromis sur le texte de la Constitution. La déception, compréhensible, ne doit pas entraîner le pessimisme. Seules la confiance et la volonté peuvent donner des résultats. M. BERLUSCONI se prononce contre l'Europe à deux vitesses. Il faut au contraire tout faire pour que la vieille Europe soit rajeunie par les nouveaux Etats membres. En ce qui concerne l'avenir des discussions institutionnelles, il faut maintenir ce qui a été fait par la Convention et les résultats obtenus par la CIG. Les dernières décisions de la Conférence n'ont pas été examinées avec suffisamment de soins. Ce travail a permis la définition d'un texte approuvé par beaucoup d'Etats membres. Cet acquis ne peut pas être discuté. Les Etats ont adopté, à l'unanimité, un engagement politique à ne pas rouvrir les points sur lesquels il y a un accord, outre l'accord sur la défense. C'est un point de départ pour travailler sur la procédure de vote à la majorité. Si l'Europe est capable de décider en temps opportun, elle pourra être un protagoniste de premier plan sur la scène mondiale. L'Europe est engagée dans le respect des objectifs du Millénaire et pour le respect de la démocratie dans le monde. C'est un devoir de l'Occident et de l'Europe de promouvoir la liberté dans le monde. Elle ne pourra le faire que si ses décisions ne sont pas prises à l'unanimité.
Certains ont critiqué le fait que la Présidence italienne n'ait pas disposé de compromis à mettre sur la table des négociations. Cela est faux, pour M. BERLUSCONI. Elle a proposé le système de double majorité approuvé par la Convention. Elle a ensuite tenté de convaincre des Etats qui ne voulaient pas être convaincus. Face à cela, elle a proposé un repli sur des formules temporaires, prévoyant une application du Traité de Nice jusqu'en 2014, ou une application de Nice jusqu'en 2008, puis de voter à la majorité pour décider de la proroger ou de passer à la double majorité. La Présidence italienne n'a pas voulu d'un compromis au rabais mais souhaitait des solutions pour doter l'Europe d'une Constitution. Elle a donc décidé de renvoyer la solution à plus tard. Ce n'est pas la fin du raisonnement mais cela devrait permettre de trouver une solution sous Présidence irlandaise ou néerlandaise.
M. BERLUSCONI tient à conclure le semestre de Présidence italienne sur une note d'optimisme. Il a noté une forte volonté de tous les Etats membres d'aboutir à une Constitution forte. La conclusion n'était pas possible ces derniers jours, personne n'aurait pu aboutir et il ne sert à rien d'en rejeter la faute à la Présidence. La nouvelle méthode de vote à la majorité qualifiée entraîne une perte importante de souveraineté pour les Etats membres, il est donc normal que l'accouchement soit difficile. De plus, il faudra convaincre ensuite les parlements nationaux et les populations de la qualité de la solution trouvée. M. BERLUSCONI qualifie de fructueux le résultat de ces 60 jours de CIG. Il ne faut pas revenir sur les points d'accord. L'essentiel est de trouver des solutions pour que l'UE ait des méthodes de travail efficaces.
Commission
M. Romano PRODI remercie les participants au débat qui se sont tournés vers l'avenir plus que vers le passé. Un consensus avait semblé possible à Naples et pourtant il n'existait pas. En ce qui concerne les décisions à la majorité qualifiée, on a même assisté à une diminution du nombre de sujets sur lesquels elle aurait été pratiquée, ce qui marque un recul non seulement par rapport au texte de la Convention mais par rapport au Traité de Nice. De toutes les manières, les résultats de la CIG ne sont pas acceptables, d'autant que le texte de la Convention est demeuré notre référence constante.
Le Président PRODI termine son intervention en adressant ses voeux à l'Assemblée.